Nuisances : un copropriétaire peut obtenir la résiliation du bail d’un voisin locataire indélicat
Nouveauté, un copropriétaire victime d’un préjudice causé par un locataire ne respectant pas le règlement de copropriété peut agir, en lieu et place du bailleur, s’il démontre la carence de ce dernier à agir.
Dans un immeuble, propriétaires et locataires doivent, de la même façon, respecter l’obligation de vivre « paisiblement », qui est inscrite à la fois dans le règlement de copropriété et dans les contrats de bail. Si un locataire gêne le voisinage, son propriétaire doit le rappeler à l’ordre, et, en cas de récidive, lui demander de partir. Las, le plus souvent, le bailleur, qui n’habite pas sur place, et qui n’a pas envie de perdre l’argent des loyers, ne réagit pas.
Le syndicat des copropriétaires peut alors se substituer à lui : le code civil (article 1166 ancien) autorise en effet le « créancier » d’une obligation à agir à la place de son « débiteur », lorsque celui-ci néglige de le faire ; la jurisprudence applique ce principe, dit de l’« action oblique », à la copropriété.
La Cour de cassation a ainsi admis, le 15 novembre 1985 (n° 84-15.577), que le syndicat, créancier de l’obligation qu’a chaque copropriétaire de respecter le règlement, peut, en cas de « carence » du bailleur, obtenir la résiliation du bail du locataire qui crée un « préjudice » à la collectivité.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Un bailleur social condamné pour avoir dissimulé les troubles de voisinage
Et si le syndicat n’intervient pas ? Un copropriétaire, seul victime des nuisances du locataire, a-t-il le droit de se substituer au bailleur ? C’est, en 2012, ce qu’affirment M. et Mme X, propriétaires d’un appartement contigu à la boutique d’une société de réparation de deux-roues, FMJ Scooter, lorsqu’ils l’assignent devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris.
Nuisances olfactives et sonores
Ces architectes et leurs employés se plaignent des nuisances olfactives et sonores que génère le démarrage incessant des moteurs. Depuis plusieurs années, ils demandent, expertises à l’appui, que la société installe un système d’extraction d’air.
Les X assignent aussi la propriétaire du local, Mme Y, dont ils soulignent la « carence » à faire cesser par FMJ Scooter les « infractions » au règlement de copropriété, qui interdit « le bruit » ou « l’odeur » pouvant « troubler la tranquillité des autres occupants ». Le TGI juge que leur action oblique est recevable. Il prononce la résiliation du bail, et leur alloue 5 000 euros de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice de jouissance.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Empiéter sur le terrain du voisin n’entraîne plus forcément la démolition
La société et Mme Y font appel, mais perdent. Elles se pourvoient en cassation et soutiennent qu’« un copropriétaire ne peut, sans porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle, agir par voie oblique, en résiliation du bail » conclu entre deux autres personnes.
La Cour leur répond, le 8 avril (n° 20-18.327), que « le règlement de copropriété ayant la nature d’un contrat, chaque copropriétaire a le droit d’en exiger le respect par les autres ». Et que « tout copropriétaire peut, à l’instar du syndicat », obtenir la résiliation du bail du locataire. M. X étant décédé en cours de procès, seule sa veuve pourra tirer bénéfice de la décision.